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En route vers l'Espagne


On s’est levé tôt, la nuit a été courte à cause de l'excitation du départ... Les derniers adieux avec nos amis nous ont rempli le cœur d’émotions, pas facile de partir… On se sent vraiment bien à Martigues.

Michel est sur le quai, il ne voulait pas rater notre départ… On l’a fait rêver avec notre projet… Il fait partie de ceux qui savent encore rêver et se réjouir pour les autres. « De tout cœur, on te remercie pour ta présence matinale et d’avoir été là pour ce grand jour important pour nous… On te souhaite de réaliser ton rêve de faire un jour le tour de la Corse en voilier ».

Martine aussi s’est réveillée tôt et nous a salué depuis son bateau. Martine et Jean-Louis nous ont tant fait rêvé avec leur tour du monde en voilier, on pensera à eux à chaque étape de notre tour.

Ça y est on a largué les amarres ! On avance lentement dans le canal, le jour vient de se lever sur Martigues baignée d’une douce lumière. On arrive le long du port à sec où on a passé du temps pendant les travaux, notre ami Charles est là, on le salue à coup de corne de brume, il nous répond… On a certainement réveillé tout le port mais ce n’est pas grave. Ouf l’émotion monte et nos yeux se remplissent de larmes. On espère vivement revoir Charles en Martinique, alors « courage Charles pour les travaux sur ton bateau ! On se reverra c’est sûr ! »

On arrive à Port de Bouc, on sort du canal pour rejoindre la mer. Elle est plate, il n’y a pas de vent, c’est ce qu’on appelle la pétole. On reste au moteur un moment pour sortir de cette zone pas jolie du tout où mouillent tous les pétroliers. Puis, on met le génois sur tangon, mais il n’y a pas assez de vent… Alors on attend, puis on remet un peu le moteur pour s’éloigner encore au large. Il fait chaud, très chaud. Je m’impatiente et prie pour avoir du vent ! Jusqu’à ce que tout d’un coup, il se lève ! Ça va vite, très vite, on ne l’a pas vu venir ! Vite ! Tom va à l’avant du bateau pour enlever le génois, mettre un ris dans la grande voile, on s’attache à la ligne de vie, on range tout en vitesse. Le vent monte encore avec des rafales jusqu’à 7 beaufort (55 km/h) et la mer se lève ! Des vagues courtes et croisées de 3 mètres et plus nous bousculent dans tous les sens ! Je suis très impressionnée et fascinée ! Mais au bout d’un moment, le mal de mer me gagne. J’ai pourtant pensé à la règle des 5 F (faim, froid, fatigue, frousse, soif), j’ai fixé l’horizon, puis j’ai mis mes super lunettes ridicules supposées rééquilibrer le sens de gravité, j’ai pris des gélules de gingembre un puissant anti nauséeux, j’ai déjà avalé la dose maximale de comprimés de stugéron quand le mal de mer s’est installé. J’ai l’impression que je vais vomir mes tripes… ça fait tellement mal ! Si cela devait continuer ainsi pendant plusieurs jours ou être ainsi pendant tout le tour du monde… mon dieu quelle galère !

Tom est tellement déçu et triste que cela se passe ainsi pour le départ. Ce n’est pas la météo annoncée. Tom se culpabilise et a peur que je sois dégoûtée dès le premier jour. Il espérait tellement autre chose comme départ ! Heureusement, le régulateur d’allure ARIES fonctionne et nous sauve la vie en dirigeant le bateau dans ces conditions… Tom fait la garde de nuit seul et se lève toutes les 20 minutes pour vérifier qu’un pétrolier ne nous fonce pas dessus et que tout se passe bien.

Le deuxième matin, le bateau avance lentement dans une mer calme, mon ventre est barbouillé mais je vais mieux. Tom est épuisé et je fais la garde pendant qu’il se repose de sa nuit difficile. Il est adorable avec moi. C’est souvent dans les moments difficiles qu’on se rend compte à quel point l’autre compte pour nous et à quel point on s’aime. Dans la tempête, je me disais que ma vie est entre les mains de Tom et du bateau, et de la mer. On n’est rien face à cette immensité !

Ce deuxième jour de navigation est parfait, comme ce qu’aurait voulu Tom pour débuter sans être dégouté. Aujourd’hui, la mer nous a fait cadeau d’une magnifique journée et soirée.

Tout est parfait jusqu’à 1h du matin quand le vent se lève, il souffle si fort que Vagabond commence à giter et foncer, toujours à « l’allure de près » inconfortable. Vagabond semble danser et heureux d’avoir retrouvé son élément, il se comporte bien dans les vagues et dans le vent.

Le reste de la deuxième nuit est un cauchemar : Tom dehors à faire la garde et moi dedans allongée, impossible de bouger, j’ai encore vomis mes tripes et gémit de douleurs… Franchement j’ai cru que j’allais crever cette deuxième nuit !

Il est 6h du matin, deuxième nuit blanche pour nous deux, Tom aurait besoin de moi pour les manœuvres mais je n’y arrive pas. J’ai toujours la nausée et je suis à bout de forces. De plus, mon épaule me fait souffrir, eh oui « Madame catastrophe » a fait une mauvaise chute de l’échelle du bateau il y a une semaine et c’est probablement une élongation du tendon de l’épaule qui me crie douleur à chaque mouvement ! Sur le bateau il en faut de la force dans les bras et on en fait des mouvements ! Bref, je vais faire le tour du monde des hôpitaux si cela continue ainsi…

Toute la nuit, Vagabond a foncé à vive allure en direction de la côte de l’Espagne, les vents nous ont poussés jusqu’ici et la route pour les Baléares est encore longue et serait trop pénible à atteindre dans ces conditions. Ce qui nous pousse à changer de plan… Il faut toujours avoir un plan B.

On aperçoit les côtes de l’Espagne, Tom réfléchit, me demande mon avis. Le souci, c’est qu’on n’a pas les cartes maritimes de cette côte, on ne dispose que du logiciel navionics sur le portable qui ne donne aucune précision (on n’avait pas téléchargé la version complète de l’application…).

On distingue une baie et on en déduit qu’il y a peut-être (espérons-le) un port. Alors on y va ! Sans cartographie et sans logiciel, on a peur de se prendre un haut fond rocheux. Tom a mis le sondeur qui indique parfois 5 mètres de profondeur, on serre les dents, on ralenti et on prie pour ne pas rester planter sur un rocher. On longe la côte en cherchant la fameuse baie indiquée sur l’écran du portable. Jusqu’à ce qu’on aperçoive des mâts de bateaux, oui il y a un port ! Ouf ! Maintenant reste à trouver l’entrée du port sans avoir aucunes indications. Pas facile ! D’autant plus qu’on est tellement épuisés tous les deux qu’on aurait presque des hallucinations. Mais on y est arrivé ! Nous voilà, non pas aux Baléares, mais à ROSES, un endroit qui semble bien sympathique. On va se reposer de notre première navigation qui ne fut pas des plus plaisante et reprendre la route d’ici quelques jours, là où les vents nous porteront.


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